Composition isotopique de l’air piégé dans les glaces polaires
Jean JOUZEL médaille d’or du CNRS en 2002, Institut Pierre Simon Laplace / Laboratoire CEA-CNRS des Sciences du Climat et de l’Environnement, Saclay

Résumé : L’étude des glaces polaires constitue une approche extrêmement féconde dans le domaine de la reconstitution des variations passées du climat et de l’environnement. Cette richesse s’appuie largement sur le fait qu’une carotte de glace donne, à la fois, accès à des paramètres climatiques et à la composition de l’atmosphère. De nombreuses questions restent cependant posées, liées aussi bien l’utilisation de la teneur isotopique de la glace (deutérium et oxygène 18) comme paléothermomètre, à la chronologie des événements, aux déphasages éventuels entre différents signaux, qu’aux mécanismes qui en sont à l’origine.
Nous montrerons comment l’analyse de la composition isotopique des bulles d’air piégées dans la glace est susceptible d’y apporter des éléments de réponse. C’est le cas, en premier lieu, des éléments, tels l’azote et l’argon, dont la composition isotopique est restée constante dans l’atmosphère au cours des dernières centaines de milliers d’années. Les variations enregistrées dans l’air occlus dans les glaces de l’Antarctique et du Groenland résultent alors de processus physiques ayant pris place dans le névé, partie supérieure de la calotte où la neige se transforme progressivement en glace et piège les bulles d’air. Les anomalies isotopiques apportent des informations sur les changements de température, en particulier lorsqu’ils sont suffisamment rapides (Groenland). En Antarctique, ces anomalies sont également liées aux changements de température ce qui permet de réduire considérablement l’incertitude sur les déphasages éventuels entre signaux enregistrés dans la glace et dans les bulles, respectivement. Les isotopes de l’oxygène de l’air sont eux affectés, entre autres facteurs, par le comportement de la biosphère, plus précisément par le rapport des productivités océanique d’une part et continentale de l’autre. Il en résulte que la composition isotopique de l’oxygène est caractérisée par un cycle de 23 000 ans correspondant à la précession et dont la présence a, entre autres, permis de développer une nouvelle chronologie du forage de Vostok.

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