Les d37Cl et les eaux de formation provenant de réservoirs pétroliers

V. Woule Ebongue (1), N. Jendrzejewski (1), F. Walgenwitz (2), F. Pineau (1)
(1) Laboratoire de Géochimie Des Isotopes Stables, Université Paris 7, Institut de Physique du Globe de Paris
(2) TOTAL, Pau

Le chlore présente deux isotopes stables : le 35Cl et le 37Cl dont les abondances naturelles sont respectivement de 75,77% et de 24,23%. Ces abondances varient au cours des processus géologiques qui interviennent en contextes sédimentaire, volcanique, métamorphique, etc… Les rapports isotopiques sont exprimés en d37Cl et en pour mille (‰) par rapport au SMOC (Standard Mean Ocean Chlorine). Ils sont mesurés par spectrométrie de masse sur du chlorure de méthyle gazeux avec une précision moyenne de ± 0,05‰.
Une technique d’analyse isotopique du chlore des eaux piégées dans la colonne à hydrocarbures au cours du remplissage du piège, a été développée dans le cadre de cette étude. Ces eaux « irréductibles » sont reconstituées par lessivage des sels résiduels précipités dans les pores de la roche lorsque la carotte a été mise à l’air. La technique Cl-RSA (Chlorine Residual Salt Analysis) a été testée et comparée à la méthode SrRSA : en effet, les rapports 87Sr/86Sr des sels résiduels sont communément utilisés pour visualiser les différents compartiments d’un réservoir à hydrocarbures. Contrairement au strontium, le chlore est l’anion majoritaire de ces eaux et il n’intervient pas (ou peu) dans les réactions entre l’eau et les minéraux de la roche. Le but de cette étude est donc d’estimer le potentiel de la technique Cl-RSA à (1) identifier les processus de transport tels que la filtration ionique et la diffusion, (2) déterminer l’origine des eaux de formation et (3) visualiser la connexion des réservoirs.
Cette technique a été appliquée à des échantillons provenant de différents puits de l’offshore angolais. Les salinités des eaux d’aquifères actuels de ce champ pétrolifère sont comprises entre 51 et 160g/L et augmentent de façon exponentielle avec la profondeur (comme les concentrations en Ca, Sr et Ba). Les variations de compositions chimiques de ces saumures ont été préalablement expliquées comme le résultat d’un processus de filtration ionique mis en place par l’enfouissement et la compaction des sédiments. Les d37Cl des eaux d’aquifères sont compris entre –1,09 et –0,2‰. Parallèlement, les d37Cl mesurés sur les eaux irréductibles (extraites d’argiles et de sables) provenant des mêmes réservoirs sont compris entre –1,93 et +2,30‰ : ces valeurs augmentant avec la profondeur.
La comparaison des d37Cl et des concentrations en chlore confirme l’intervention de la filtration ionique dans le bassin mais met en évidence la superposition d’un autre processus. Ce processus supplémentaire se distingue par une corrélation positive entre les d37Cl et les concentrations en chlore. Des études montrent qu’il pourrait correspondre à de la diffusion ou du mélange. Les profils de d37Cl avec la profondeur sont comparés à ceux de 87Sr/86Sr et de salinité pour mettre en évidence les barrières de perméabilité au sein des réservoirs, ainsi qu’à une plus grande échelle de bassin. Ces résultats sont interprétés en terme d’histoire géodynamique des eaux de formation de ce bassin et des hydrocarbures associés.

T. J. Hodgkinson, M. Shipman, Tetrahedron 2001, 57, 4467-4488

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