Un nouvel âge pour l’analyse isotopique: le spectromètre de masse utilisant une source d’ionisation par plasma à couplage inductif (ICP MS) et la multicollection
Francis ALBAREDE (Ecole Normale Supérieure, Lyon)

Résumé : Jusque vers le milieu des années 1990, l’analyse isotopique de haute précision était limitée à une faible partie de la classification périodique des éléments. Les composés gazeux (H, O, C, S) pouvaient être analysés dans des sources à bombardement électronique alors que la méthode dite du double spike permettait d’analyser par thermo-ionisation des éléments plus réfractaires à condition qu’ils comptent plus de deux isotopes (Zn, Se, Pb). A la fin des années 1990, l’avènement du spectromètre à source à plasma inductif et multicollection ouvre l’analyse isotopique à la quasi-totalité des éléments, avec une précision de l’ordre de 30 à 50 ppm sur des échantillons de quelques dizaines de nanogrammes ou même moins.
Cet instrument présente deux avantages : 1. Il peut fonctionner en mode dynamique (et donc de corriger les mesures par interpolation de standards) 2. Pour tous les éléments, l’ionisation induite par la haute température du plasma est quasiment totale. Des avancées spectaculaires ont été accomplies sur des systèmes réfractaires utiles en géochronologie notamment le système 176Lu-176Hf et les chronomètres UTh-Pb et les radioactivités éteintes 92Nb-92Zr, 146Sm-144Nd, 107Pd-107Ag et bien d’autres.
Un domaine d’application très prometteur est l’étude du fractionnement isotopique dépendant de la masse des éléments de transition tels que Cu, Zn, et Fe. La mise en évidence de forts fractionnements isotopiques de ces éléments dans les météorites à haute température, notamment les fractionnements entre métal et silicate, dans l’océan et les sédiments à basse température témoigne d’effets imprévus et complexes. L’activité biologique et les effets stéréochimiques et cinétiques qu’elle engendre semblent promettre un grand avenir à ces méthodes en biochimie et biologie. Le couplage de l’ICP MS avec l’ablation laser permet de prévoir la possibilité d’analyses in situ plus propices à l’identification de mécanismes. Contrairement aux méthodes d’analyse isotopique plus anciennes, l’ICP MS est encore en plein développement et d’importantes améliorations sont à attendre de l’introduction de nouvelles générations d’instruments.

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