Géosciences : les rapports isotopiques 37/35 du chlore pour étudier le cycle du chlore terrestre
M. Bonifacie, N. Jendrzejewski, P. Agrinier, F. Pineau
Laboratoire de Géochimie des Isotopes Stables, Paris 7 – IPGP
Le chlore est un élément omniprésent dans tous les réservoirs de la surface terrestre, mais c’est aussi un élément volatil qui est engagé dans les échanges entre la surface et l’intérieur de la Terre. Etudier son comportement lors des échanges Manteau-Exosphère permet donc d’apporter de nouvelles contraintes sur la géodynamique terrestre et ses évolutions passées en complément de celles imposées par les autres volatils plus largement étudiés (e.g. C, H ou N). Pour le moment, nous nous sommes focalisés sur les basaltes de ride (MORB) et les intéractions Eau-Roche dans la croûte océanique. Cela nous permet d’évaluer l’un des principaux échanges de Cl entre la Terre Profonde et la Surface, le second se situant au niveau des zones de subduction.
Le rapport d’abondance 37/35 du chlore est exprimé relativement au SMOC (Standard Mean Ocean Chloride, d37Cl = 0‰). Les premières études ont révélées les isotopes du Cl comme un outils puissant permettant de tracer des processus tels que la diffusion (Eggenkamp et al, 97) ou encore l’ultra filtration (Phillips et Bentley, 87). La base de donnée actuelle sur les d37Cl est largement dominée par des échantillons fluides et il n’existe pas de standard international pour les solides. La méthode classique de pyrohydrolyse, que nous avons optimisée en vue d’analyses isotopiques, permet d’extraire quantitativement le Cl des roches silicatées (rendements de 96±3%) pour une large gamme de concentrations (de 40 à 9200 ppm Cl), et d’en mesurer le d37Cl avec précision. La reproductibilité sur plusieurs extractions de notre standard interne est de ±0.2 ‰).
Pour caractériser le comportement du Cl durant l’altération océanique, nous avons analysé des péridotites serpentinisées (MAR et SWIR ; n=8), des basaltes altérés (site 504B, EPR ; n= 3 & site 801C dans le Pacifique ; n=2), un gabbro altéré (site Hess Deep ; n=1) et des MORBs frais des différentes dorsales océaniques (MAR, EPR, SWIR, PAR ; n=10). Tous les échantillons analysés (n=24) sont appauvris en 37Cl (d37Cl de -1.6 à -0.2 ‰) relativement à l’eau de mer, les concentrations en Cl allant de 40 à 9200 ppm Cl. Sur la base de ce nombre restreint d’échantillons, nous n’observons pas de différence nette entre les gammes de d37Cl des échantillons frais ou altérés. Il semblerait cependant que pour de fortes concentrations en Cl les valeurs de d37Cl soient beaucoup plus dispersées que pour les échantillons pauvres en Cl. Pour les péridotites serpentinisées, il n’y a pas de corrélation du d37Cl avec la température de serpentinisation ou leur localisation. Pour les MORBs frais, la corrélation observée entre le d37Cl et le rapport K/Cl indique la possibilité d’utiliser les isotopes du Cl comme traceurs d’assimilation de différents types de matériel hydrothermal (voir Michael et Cornell, 92 & 98) ou comme traceurs d’hétérogénéités dans le Manteau source des MORBs. L’acquisition de nouvelles données nous permettra d’ettayer cette hypothèse. La gamme de variation décrite par nos échantillons (étroite et négative) s’oppose à celle décrite dans les études précédentes (d37Cl de –3 à +11‰ dans Magenheim et al., 95 ; Stewart et al., 2000 & Willmore et al., 2001). Ce contraste peut être du à une différence dans la nature des échantillons analysés ou à des problèmes analytiques principallement dus dus à une mauvaise extraction du Cl (rendements d’extraction toujours inférieurs à 75% dans Willmore et al., 2001).
Les différentes roches (fraîches ou altérées) issues du Manteau terrestre analysées dans cette étude ont systématiquement des d37Cl négatifs. Le cycle global du Cl largement basé sur les études isotopiques de Magenheim et al (1995) est donc à reconsidérer.