Ecologie trophique des populations côtières :
deux exemples récents d’utilisation des d13C et d15N
P. Riera
Station Biologique de Roscoff, Université Pierre et Marie Curie, Paris VI,
B.P. 74 29682 Roscoff Cedex
Utilisation trophique des estuaires par la civelle d’Anguille (Anguilla anguilla)
Anguilla anguilla est une espèce dont la ponte se situe dans la mer des Sargasses d’où partent les larves qui traversent l’Atlantique. Au terme de cette migration, la larve parvient à l’embouchure d’un estuaire. La traversée de l’estuaire se traduit alors par un passage par le stade larvaire civelle, laquelle va subir une métamorphose progressive jusqu’au stade de jeune anguillette lors de l’arrivée en eau douce. Dans cette étude il s’agissait de vérifier si les signatures isotopiques des civelles capturées en estuaire était homogènes ou non et de caractériser les sources possibles des modifications éventuelles. La signature isotopique des sites d’alimentation privilégiés (embouchure de l’estuaire, estuaire, rivière) a été comparée avec celle du muscle d’anguilles prélevées le long du gradient estuarien. Les d13C suggèrent une forte variabilité entre individus des civelles d’estuaire, certaines civelles ayant évoluées d’une signature « marine » à une signature « terrigène ». Ceci implique une utilisation trophiqe importante de la matière organique d’origine terrigène (plancton de cours d’eau, débris de végétaux terrestres) véhiculée par le fleuve. Ces résultats ont mis en évidence d’un phénomène de sédentarisation transitoire en estuaire au moins pour certains individus. En outre, les d15N traduisent bien la passage d’un régime alimentaire de type consommateur primaire chez les civelles à un régime de type prédateur chez les jeunes anguillettes.
Caractérisation isotopique des lichens marins en milieu rocheux et rôle trophique
La caractérisation isotopique des lichens marins a montré qu’ils présentent des d13C et d15N permettant une discrimination entre lichens nette, mais également des différences vis à vis des algues. Ces résultats ont montré l’importance des lichens du comme source de nourriture pour les mollusques caractéristiques de cet étage, soit Melarhaphe neritoides et Littorina saxatilis. Ainsi, Melarhaphe neritoides apparaît nettement comme nettement lichénophage. Littorina saxatilis semble se nourrir également de lichens mais n’en est pas exclusivement dépendant. Ces deux mollusques peuvent donc bien être défini comme réellement inféodées au milieu rocheux supralittoral puisqu’ils utilisent les ressources présentes dans leur habitat. Les deux autres invertébrés caractéristiques de cet étage, Ligia oceanica et Petrobius maritimus n’utilisent pas les lichens comme source de nourriture. En particulier, P. maritimus dépend exclusivement de la matière organique terrigène. Ces résultats sont novateurs car ils ont permis d’intégrer, pour la première fois, les lichens marins dans une étude de réseau trophique en évaluant leur rôle comme source de nourriture potentielle.