Dominique Darmaun (INRA, Université de Nantes, UMR 1280)
Isotopie et diagnostique médical.
Résumé :
Durant la 1ère année de vie, le nouveau-né humain triple son poids (de 3 kg à la naissance jusqu’à 10kg à 12 mois) et sa taille augmente de 50% ; au cours du seul premier mois de vie, la croissance en poids atteint un pic de 25 g/j, soit 1 g/h. La fabrication de ‘nouveaux tissus’ à un tel rythme explique que l’enfant ait des besoins en nutriments très élevés, et différents de ceux de l’adulte de poids stable, et de multiples zones d’ombres persistent quant aux besoins des nourrissons en bonne santé ou dans diverses situations pathologiques. Le métabolisme protéique et énergétique du nouveau-né et de l’enfant est donc dans un état de dynamisme impressionnant. Or les méthodes traditionnelles d’exploration nutritionnelle reposent sur la seule mesure des concentrations de substrats dans le sang circulant, qui ne fournit qu’une image statique du métabolisme. En effet, à titre d’exemple, la chute de la concentration d’un substrat peut traduire soit une augmentation de son utilisation par l’organisme, soit une réduc on de sa production endogène, ou une combinaison des deux phénomènes. Si l’on améliore les connaissances sur les flux de substrats dans l’organisme, on peut espérer dégager des stratégies pour mieux adapter les apports nutritionnels sur le plan qualitatif et quantitatif et améliorer la croissance des nouveau-nés et des enfants sains ou malades. Durant les 25 dernières années, l’avènement de micro-méthodes de dosage des substrats marqués aux isotopes stables a conduit au développement de méthodes éthiquement acceptables et non-invasives pour explorer le métabolisme in vivo chez l’enfant. Par exemple, 1) la perfusion intraveineuse de 2H2-glucose a permis de quantifier la production endogène de glucose par le foie du nouveau-né, à terme ou prématuré ; 2) la perfusion intraveineuse de 13C-leucine est devenue la méthode de référence pour l’exploration du métabolisme protéique au niveau du corps entier, 4) l’exploration du métabolisme protéique du territoire splanchnique est réalisée par perfusion couplée d’acide aminés marqués par deux voies, digestive et intraveineuse, 5) la vitesse de synthèse de protéines ou de peptides spécifiques est mesurable par l’incorporation d’acides aminés marqués au cours d’une perfusion de traceur. 6) la mesure de l’eau corporelle, donc de la composition corporelle, est réalisable par l’administration d’eau marquée au deutérium, et l’administration d’eau doublement marquée (au 2H et 18O) permet la mesure des dépenses énergétiques. Ces approches commencent à avoir un impact sur les pratiques cliniques, non pas qu’elles soient entrées dans la routine des soins, mais parce que ces techniques ont permis de mieux comprendre la physiologie du métabolisme, donc de mieux adapter les apports nutritionnels aux besoins nutritionnels de l’enfant.