Les anomalies isotopiques dans les météorites : nucléosynthèse stellaire ou fractionnement isotopique ?
François ROBERT (Laboratoire de Minéralogie / MNHN 61 rue Buffon 75005 Paris)
Résumé : En 1973 R.N. Clayton et son équipe de l’Université de Chicago mesurait une distribution des trois isotopes de l’oxygène qui n’obéissait pas la loi dite du « fractionnement de masse ». Cette loi est très robuste sur le plan théorique. A cette époque tous les systèmes naturels ou expérimentaux connus suivaient cette loi du fractionnement de masse. R.N Clayton a donc interprété cette anomalie isotopique comme résultant d’une injection d’oxygène 16 pur dans le système solaire en formation. Cet oxygène 16 aurait été synthétisé lors de l’explosion d’une supernova peu avant la formation du système solaire. Dans les minéraux des météorites, de nombreuses autres anomalies isotopiques ont été découvertes depuis, dans presque tous les éléments du tableau de Mendeleiev.
Depuis 1983 la situation a évolué avec la découverte dans la molécule d’ozone d’une anomalie isotopique de l’oxygène qualitativement semblable à celle trouvée dans les météorites. Plusieurs théories ont été proposées pour en rendre compte. Ces théories font toutes appel à la symétrie de la molécule d’oxygène à partir de laquelle la molécule d’ozone est synthétisée. Si c’est bien le cas, « l’effet ozone » n’aurait aucune implication cosmo-chimique. Nous avons néanmoins développé une autre approche qui suppose que – pour une raison inconnue de la mécanique quantique (!) – les vitesses de réactions ne sont pas égales lorsque ces réactions mettent en jeu des isotopes distinguables ou indistinguables. Cette hypothèse reproduit bien plusieurs anomalies trouvées dans les météorites. L’interprétation de cet effet ne fait pas l’objet – loin s’en faut – d’un consensus scientifique.